À propos d’une photo de groupe prise en 1956 devant Bidonville à Argut-Dessus
Au début des années 1950, à l’initiative de l’Association de vacances en montagne, eut lieu à Argut-Dessus une expérience, l’une des premières en France, visant à trouver une réponse partielle à l’exode de plus en plus préoccupant des habitants en zone rurale en lui substituant un mouvement permettant à des familles de zone urbaine de prendre des vacances en montagne.
À cette époque, Argut-Dessus n’avait déjà plus que 80 habitants alors qu’au début du XXe siècle, ils étaient plus de 300. La population avait été décimée par la dureté de l’agriculture de montagne à laquelle s’étaient ajoutées des maladies professionnelles conséquences de l’exploitation de mines de métaux lourds et d’ardoises sur le territoire de la commune.
Avec le départ des habitants et l’émiettement du patrimoine foncier du village, beaucoup de maisons d’habitation et de bâtiments agricoles devaient subir les dommages du temps et de l’abandon. Dans le même temps, bon nombre de familles de conditions modestes dans des villes comme Toulouse ou de Bordeaux ne pouvaient accéder au bénéfice de séjour en altitude.
C’est sur ce constat que l’Association de vacances en montagne, sous l’impulsion des docteurs Yves et Madeleine Heurté et plusieurs de leurs amis de Bordeaux, de Toulouse et du canton de Saint Béat, entreprirent une opération. Avec l’appui des caisses d’allocations familiales des départements de Gironde et de Haute-Garonne, celle-ci visait à la renaissance de quelques maisons du village d’Argut-Dessus et à leur transformation en lieux de résidence temporaire accessible pour des familles aux revenus modestes.
C’est ainsi que des maisons furent acquises par des membres de l’association auxquelles furent donnés des noms comme Aspro, Bidonville, Bethléem, Grégoire, la Pomme, Narcisse, le Ramoneur, la Source, le Tachou, Vinaigre…
En devenant propriétaires, les membres de l’association s’engageaient à n’occuper leurs maisons qu’un mois par an et à en faire bénéficier des familles désignées par l’association pour le reste de l’année. En contrepartie, l’Association prenait à sa charge les travaux de réhabilitation de la maison, l’équipement étant à la charge du propriétaire.
L’ambition de l’association était de faire coexister une population de résidents temporaires avec les habitants du village. Dans ce dessein, l’Association avait en projet la réalisation d’une maison commune pour permettre des activités collectives et la gestion de services communs aux familles en vacances.
Les moyens de l’Association étant très limités pour la réalisation de ces objectifs, celle-ci dut faire appel au Service Civil Volontaire International (SCI). C’est ainsi que durant l’été 1956 une quarantaine de garçons et filles venant d’une quinzaine de pays différents vinrent travailler à la rénovation de plusieurs maisons. Plus ou moins âgés et de diverses professions, ces volontaires travaillèrent pendant un mois sans indemnité autre que celle de leur nourriture. Ils accomplirent des travaux de terrassement, de maçonnerie, de couverture et de menuiserie pour rendre habitable quelques maisons. Avec l’aide des habitants d’Argut, ils entreprirent les premiers travaux pour l’aménagement de la maison commune. C’est dans celle-ci que les volontaires s’établirent après avoir occupé dans un premier temps la maison appelée Bidonville où fut prise l’une des photos qui les rassemble.
Si au début du chantier, il y eut un peu de méfiance entre les argutois et les civilistes, très vite les uns et les autres sympathisèrent en dehors des heures de travail en se réunissant autour d’activités conviviales ou pour participer à la vie du village et de ses habitants. Cette expérience devait se renouveler en 1957 en partenariat avec le Centre de Terrefort. Aujourd’hui de nombreuses traces sont encore visibles dans le village.
Cette opération connut par la suite des vicissitudes propres aux projets associatifs et à l’évolution de la société. Si certaines ambitions ont été au fil du temps abandonnées, on peut dire aujourd’hui que l’esprit qui avait présidé à son lancement n’a pas été vain et qu’Argut-Dessus a su depuis montrer sa capacité à résister à une inéluctable disparition tout en développant avec ténacité son sens de l’accueil.
Fait à Argut-Dessus en août 2011