La chapelle romane d’Argut-Dessous
Cette petite commune de Haute-Garonne se bat pour restaurer et conserver sa chapelle romane
De
Jeudi 31 octobre 2024 à 3:45
La commune d’Argut-Dessous, située près de Saint-Béat, vient d’entreprendre une campagne de recherches et de restauration autour de sa chapelle romane. Un édifice très ancien, mais dont la voûte présente une caractéristique rare : elle est quasi-intacte depuis sa création.
La chapelle romane d’Argut-Dessous © Radio France – Benjamin Bourgine
Entre les ronces, les fougères, les frênes, une végétation envahissante… les ruines de l’église d’Argut-Dessous se tiennent encore relativement bien sur une butte au milieu du village. Il n’y a plus de toit à cette chapelle devenue une habitation au XVIIIᵉ siècle, avant d’être ensuite abandonnée. Des pans de murs sont certes effondrés, mais la pépite, c’est bien la voûte de cet édifice roman.
Une voûte encore en très bon état de conservation.
La voûte de la chapelle romane d’Argut-Dessous © Radio France – Benjamin Bourgine
Une voûte dans son état d’origine
Clément Venco est archéologue et docteur en archéologie de l’Université de Toulouse Jean-Jaurès : « On a la chance d’avoir la voûte en cul de four qui est entièrement conservée et dans son état d’origine sans reprise vraisemblablement, vu qu’on a à l’intérieur des éléments lapidaires qui sont en tuf. C’est une pierre poreuse extrêmement utilisée, notamment au moyen-âge central, parce qu’elle a la propriété d’être facile à tailler et surtout d’être beaucoup plus légère ».
La voûte de la chapelle romane d’Argut-Dessous (Haute-Garonne) de l’extérieur © Radio France – Benjamin Bourgine
Deux cadres de mobylette, des éléments de charrues…
Pour se lancer dans cette rénovation, la commune, s’est retroussé les manches et le maire, Claude Jacquard, a demandé un coup de main aux habitants pour nettoyer les alentours. Une « récolte »… fructueuse : « On a trouvé deux cadres de mobylette, des éléments de charrues, des éléments de cuisine, deux ou trois lames de faux. C’était devenu un site facile pour se débarrasser de tout ce qui encombrait une maison. »
Une fois ce premier déblayage effectué, les étudiants en archéologie rassemblés par Clément Venco ont donc fouillé comme Clara, avec une truelle, des petites pelles et quelques brosses de balais. Chaque « couche » homogène donne une strate, un « étage », qui correspond à une époque.
À certains endroits, ça va vite, à d’autres, les racines sont très entremêlées. « Ici, la stratigraphie n’est pas très grande. Donc on arrive vite sur la roche et là, on a peut-être deux couches avant d’arriver sur la roche ». Sous la voûte, par exemple, le travail de fouille met à nu très vite le rocher, signe que la première version de la chapelle a été construite au moyen-âge directement sur le rocher de la montagne.
Travail d’archéologie à la chapelle romane d’Argut-Dessous © Radio France – Benjamin Bourgine
« On restitue aux villages une partie de leur histoire »
L’autre partie du travail, administrative celle-là, et beaucoup plus compliquée pour la mairie de cette petite commune, a été de construire le dossier d’expropriation de cet édifice abandonné, mais jamais revendiqué par de possibles ayants droits. Aujourd’hui, Argut-Dessous a récupéré la propriété du lieu et peut donc se lancer dans cette campagne de restauration sereinement.
« Des fois, on enlève quelques légendes pour remettre du scientifique un peu derrière »
Fouiller, c’est essentiel, pour surtout espérer en savoir plus sur l’histoire du lieu. Hormis un contrat de vente du XVIIIᵉ siècle, il n’existe aucun document ancien qui évoque cet édifice religieux, pas même son nom d’origine. Clément Venco : « Ça va être l’enjeu de la datation ! De manière stylistique, comme ça, on peut dire XIᵉ, XIIᵉ siècle, peut être au début XIIIᵉ. Le roman pyrénéen est assez tardif. Cet édifice-là était rare dans sa mise en œuvre, mais rare aussi aujourd’hui pour des questions effectivement de conservation ».
En tout cas les recherches sur du « petit patrimoine » comme celui-là sont essentielles pour lui : « Ce sont des petites opérations qui courent en général sur un an, deux ou trois semaines ou plus pour l’étude. On restitue aux villages une partie de leur histoire. Il y a un côté sentimental aussi parce qu’on est sur des édifices qui sont connus, qui sont fréquentés, où les gens viennent, où les gens venaient jouer quand ils étaient gamins. Des fois, on enlève quelques légendes pour remettre du scientifique un peu derrière. Ça se passe toujours bien ».